Nous voyons Vauquois à la lueur de la mitraille

3 mars 1915 Par Albert Vigon 0

Au matin, le convoi de ravitaillement n’ayant pu nous suivre à temps, ordre est donné de consommer les vivres de réserve.
À 2 heures, alerte. Nous partons pour Vauquois où à la suite de nombreuses attaques le 46, le 75 et le 89 ont réussi à prendre pied dans le village. Nous partons par une route affreuse où nous pataugeons par endroit jusqu’aux mollets dans la boue.
Arrêt d’une heure au Rendez-vous de chasse ! Nom ironique, car c’est un petit village souterrain construit par les troupes qui occupaient le bois cet hiver. Distribution de pain, singe, café et potage condensé en quantités exagérées, car nous sommes déjà chargés comme des ânes et il est difficile de tout emporter. Enfin, cela nous prouve que contrairement aux Boches, les vivres sont plutôt abondants chez nous. Nous repartons et recommençons notre calvaire dans la boue.

Nous partons pour Vauquois

Route encombrée de voitures de ravitaillement, de convois de munition, de blessés transportés sur brancards ou sur des pousse-pousse que je vois pour la première fois.

Vers 9 heures du soir nous sommes à la ferme des Allieux où nous sommes impressionnés par la vue des blessés étendus tout au long de la route dans la boue. Le bombardement est plus près de nous et une fois arrivés à la Barricade il faut s’arrêter pour se terrer dans les fossés où nous nous aplatissons dans la boue, pour contrer les éclats d’obus qui éclatent tout autour.

Nous attendons longtemps avant de nous engager dans la vallée qui précède le Mamelon blanc, car les shrapnells et les marmites barrent le passage. Évidemment l’ennemi a dû être averti de l’arrivée de renfort par ses aéros ; car le bombardement est effroyable, c’est quelque chose d’inouï, les obus arrivent par séries de 8 ou 10 sans interruption.

Nous commençons à voir revenir des blessés du 1er bataillon qui nous précède.

Enfin, profitant d’une accalmie nous escaladons la pente du Mamelon blanc et nous nous engageons dans le boyau qui doit nous conduire à Vauquois que nous voyons perché au-dessus de nos têtes, à la lueur de la mitraille.

Calvaire dans la boue

Nous rencontrons morts et blessés tout le long du boyau et arrivons dans une espèce de chemin creux à mi-côte de Vauquois. Littéralement exténués par 10 heures de marche sac au dos et sans arrêt, nous nous endormons au milieu des morts.
Personne ne se soucie de ce voisinage au début, car chacun s’imagine avoir affaire à des camarades endormis, et ce n’est qu’au départ une heure après que, voulant secouer son voisin pour le réveiller, on s’aperçoit que c’est un cadavre sur lequel on reposait sa tête.
Nous avons passé là une heure qui, si nous avions été moins fatigués, nous aurait paru longue d’un siècle, car sans nous en apercevoir nous étions à découvert dans un chemin battu par les balles et les obus. Le destin a voulu qu’il n’y ait que quelques blessés.

Nous rencontrons morts et blessés

Suite

Commentaires

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Poster le commentaire